RDV Ancestral n° 8 - Joseph TOUYARD et le 19ème siècle

Aujourd'hui, nous partons du côté de Gendrey, commune rurale jurassienne, à la limite du Doubs. 

Gendrey, vous allez me dire, pour ma famille paternelle surtout, que ce lieu vous parle et donc qu'on part sur les traces des ancêtres de Thérèse LAVRY. Eh bien, c'est à moitié vrai. Ici, nous allons rencontrer un ancêtre de ma grand-mère maternelle, Gisèle GUERILLOT, mais qui en même temps est l'arrière petit-fils d'aïeux de ma grand-mère paternelle. Vous me suivez ? non, ces ancêtres aiment nous donner le vertige.

Alors oui, mes deux grands mères cousinent, ça a été la douche froide pour moi, tellement elles étaient opposées. Pour ceux qui suivent le blog régulièrement, vous avez du lire l'article concernant cette découverte. Pour les autres, cliquez ici.

J'ai décidé d'aller le rencontrer le 21 mai 1892, jour de ses 80 ans. Cette année là est également marquée par le centenaire de la République Française (21 septembre 1792). J'entre dans la peau d'une journaliste pour l'interviewer. 

- Bonjour Monsieur TOUYARD, je m'appelle Aline, je suis journaliste pour Le Courrier du Jura, je viens vous voir aujourd'hui car vous avez 80 ans. Je fais un article sur les hommes qui sont octogénaires autour de Dole ce mois ci. 

- Bonjour, c'est bien celà mademoiselle, même si je n'aime pas dire mon âge. Que voulez-vous savoir ? 

- Racontez moi votre vie, j'adore écouter les récits des personnes. 

- Je suis né dans ce village le 21 mai 1812, mes parents s'appelaient Claude François TOUYARD et Suzanne GRENOT. Ils cultivaient des céréales et un peu de vigne. J'ai grandi à Gendrey avec mes huit frères et sœurs, j'étais le plus jeune. Deux autres bébés avaient déjà rejoint les anges quand je suis né. Je n'ai jamais vraiment bougé, sauf dans les villages alentours. J'aidais mon père dans les cultures jusqu'à son décès en 1835. 

En bleu, maison natale de Joseph selon plan cadastral de 1822

En 1836, de visite chez un ami à Romain, j'ai rencontré une magnifique jeune femme, Reine DUPALET. Après lui avoir fait la cour pendant quelques mois et avoir eu la bénédiction de ses parents, nous avons pu nous marier. Ce n'était pas gagné d'avance, elle était mineure et son père n'était pas prêt à la laisser partir avec n'importe quel prétendant. 

Nous nous sommes mariés le 14 janvier 1837 et sommes venus nous installer à Gendrey. 

Nous avons eu la chance d'avoir 12 enfants : Benjamin, Joseph, Joséphine, Anne Marie, Julie, Marie Félicie, François, Léon, Jacques François, Sophie, Jean Baptiste et Jean Elisée. Malheureusement, Dieu a rappelé  Léon et Jacques François à lui peu de temps après leur naissance. Nous avons eu une vie très dure, rythmée au fil des saisons, des récoltes, mais également très heureuse. Huit de nos enfants se sont mariés et nous ont offert beaucoup de petits-enfants. 

Mais en août 1886, ma fille, Julie, a accouché d'un enfant sans vie et a failli trépasser elle aussi. Elle a mis beaucoup de temps à s'en remettre et avait déjà trois jeunes enfants. Reine a alors décidé d'aller la soutenir.

Nous avions déjà perdu une autre de nos filles dans ces circonstances, Anne Marie, quand elle avait accouché elle aussi d'un enfant sans vie. Nous avions donc peur de perdre Julie.

Reine est restée quelques mois mais le 6 mars 1887, elle a été rappelée au seigneur. J'ai juste eu le temps d'aller la voir avant qu'elle ne s'éteigne. C'était il y a 5 ans, déjà. 

Maintenant, je continue à vivre, même si c'est dur, mon dos me fait souffrir, mais voir mes enfants, mes petits-enfants grandir, s'épanouir atténue la douleur du deuil. J'ai assisté au premier mariage d'une de mes petites filles, et je suis arrière grand père depuis trois semaines, il vit à Auxonne avec ses parents. J'espère pouvoir le rencontrer. Vous vous rendez compte, quatre générations !

Voilà, je vous ai résumé 80 ans de ma vie. Que dire de plus ! 

- Une très belle vie en effet avec beaucoup d'amour, semée d'embuches, de tristesse mais tellement de bonheur se lit dans vos yeux.

Et justement, en 80 ans, vous avez vécu beaucoup de changements au niveau politique, industriel. 

- Ah ça oui en effet, j'ai vu la société changer.

En 1848, j'ai eu le droit de voter. Ce fut un honneur pour moi la première fois que je suis allé au bureau électoral. On avait enfin le droit de choisir, de donner notre avis ...

En 1859, j'ai assisté à l'arrivée du chemin de fer ici. Avec l'arrivée des locomotives, certains sont partis tenter leur chance dans les grandes villes.

En 1870, nos enfants qui étaient engagés dans l'armée ont dû partir combattre dans la guerre contre la Prusse. 

Il y a 10 ans, l'école est devenue obligatoire et gratuite jusqu'à Jules Ferry pour tous les enfants de 6 à 13 ans. C'est une très bonne chose, les enfants sauront a moins lire, écrire et compter.  

En 1885, Louis Pasteur, un savant proche de chez nous puisqu'il vivait sur Arbois à ce moment, a découvert le vaccin contre la rage et l'a testé sur un enfant, puis plusieurs autres personnes. Cet homme est un héros, cette maladie nous faisait vraiment très peur. Nos poules et lapins attirent beaucoup les renards donc nous vivions toujours avec cette crainte d'attraper la maladie. 

Ceci n'est que le début de toutes les évolutions qui, je l'espère, vont permettre de meilleures conditions de vie aux générations futures. 

Voilà tout ce que je peux vous dire, mademoiselle.

- Je vous remercie pour cet entretien très riche, complet. Je vais pouvoir écrire un très bel article. 

- Avec plaisir, chère demoiselle. 

Joseph, sosa 500 de mes enfants, décèdera quelques semaines plus tard, le 7 juillet 1892, un homme ayant vécu au temps des progrès techniques et scientifiques. 

Généalogie de Joseph TOUYARD

https://gw.geneanet.org/aline39?lang=fr&n=touyard&oc=0&p=joseph

Comments

[Catherine Livet]

Bel interview et belle mise en contexte.

merci

[Domleng]

Joli travail bien documenté, Aline Bravo

merci

[Fanny-Nésida]

Sympa l'idée de la journaliste !

merci