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A la rencontre de nos ancêtres

Nous sommes les gardiens de notre Histoire, la généalogie permet de ne pas oublier d'où l'on vient et ce que l'Histoire a pu provoquer sur l'histoire de nos anciens. Quelle était la vie de nos ancêtres ? Vous découvrirez ici des présentations et des fragments de vie des aïeux de mes enfants.

RDV Ancestral n° 4 - Face à l'épidémie

Publié le 15 Janvier 2022 in RDV Ancestral, LAVRY

Nous sommes en  1856, à Saligney. Deux ans auparavant, Pierre François dit "le Jeune" LAVRY (sosa 208) perdait plusieurs membres de sa famille pendant l'épidémie de choléra. 

Situons un peu cet ancêtre. Issu d'une longue lignée de cultivateurs, il exerce ce métier lui aussi. Né en 1785, il a 22 ans lorsqu'il épouse Françoise CHAILLOT. Ils sont cousins au quatrième degré de consanguinité, ayant tous les deux comme ancêtres communs Petrus APRIL (mon ancêtre venu de Savoie reconstruire les villages du Jura après la guerre de 30 ans) et Claudia Anna SABLOT, sosas 3328 et 3329 que vous découvrirez plus tard.

En 1854, Pierre le Jeune et Françoise ont tous deux 68 ans. Sept enfants sont nés de leur union. Malheureusement deux sont morts très jeunes à 4 mois et 22 mois. Sur les cinq enfants vivants, seul un s'est marié en 1841(la deuxième se mariera plus tard en 1857). Avant que l'épidémie ne frappe, Pierre François est déjà cinq fois grand-père, mais essuya la mort précoce de trois d'entre eux. Autant dire qu'à l'arrivée de ce fléau, cette famille est déjà très endeuillée. 

Me voilà arrivée devant chez lui. Je souffle un grand coup, cet entretien va être douloureux, lui rappeler de très mauvais souvenirs qu'il préfèrerait sans doute oublier mais je dois les retranscrire afin qu'on garde une trace dans l'histoire de notre famille.

- Bonjour cher aïeul, je suis votre lointaine descendante. 5 générations de LAVRY se trouvent entre nous 2. 

 

- Oh bah ça pour une surprise ! Heureux de savoir que la lignée perdure car je dois bien vous avouer que parfois on y croit peu. Mais que me vaut cet honneur ? 

 

- J'avais hâte de vous rencontrer, vous avez du être un père et un grand-père remarquable car vos prénoms vont se répéter longtemps dans la famille. 

 

 

-Je suis pourtant un homme comme un autre, je ne suis pas aisé, j'ai élevé mes enfants avec ma tendre épouse comme mes parents l'ont fait avec nous.  Et tu sais ma chère enfant, nous transmettons nos prénoms généralement à un de nos enfants, c'est une tradition.

 

- Peut-être est-ce aussi en lien avec tout ce que vous avez vécu. Je reprends ma respiration et je me lance. D'ailleurs, je souhaitais discuter avec vous d'un évènement très triste qui vous a touché personnellement il y a 2 ans.

 

Je n'ai pas besoin d'en dire davantage. Son visage s'assombrit et il détourne le regard. Puis il revient vers moi et brise ce gênant silence.

 

- Oh tu parles d'une tragédie ! Tout ces morts ; tant de proches. Tu sais, notre village compte plus ou moins 400 habitants. On se connait tous. 

Oui, il y a deux ans … deux ans déjà...que j'ai perdu mon épouse, mon frère et sa fille, mais aussi plusieurs cousins. C'était en août.

- Ça a du être horrible de tous les voir mourir les uns après les autres sans pouvoir faire quoi que ce soit ? 

 

- Ne m'en parle pas ! Pourtant il n'est pas rare que Dieu rappelle à lui ses enfants, et parfois, alors même qu'il vienne à peine de naître. […] Ce qui a été vraiment terrible, c'était de les voir souffrir. Et le nombre ! Comme si le Seigneur avait décidé de décimer son troupeau ! Ce sont des soldats qui enterraient nos morts et s'occupaient des malades. Mon village a perdu 36 âmes, nous avons été les plus touchés autour de Dole.  

Quand Jean Baptiste CHAILLOT est venu nous annoncer le décès de sa femme, nous avons cru qu'elle avait mal digéré le repas étant donné qu'elle vomissait et avait de la diarrhée. Nous avions su par la presse qu'une épidémie de choléra sévissait dans plusieurs départements, mais nous ne voulions pas croire que c'était arrivé jusqu'à nous. Mais ensuite, les malades se sont enchainés, tous les mêmes symptômes, la mort arrivait très vite. Certains de nos voisins sont partis du village pensant échapper à la maladie, mais elle frappait n'importe où.

Nos conditions de vie n'étaient déjà pas des meilleures, les récoltes n'avaient pas été très bonnes. J'espère qu'à ton époque, la vie est moins dure que maintenant. 

Petit à petit, l'épidémie est partie, nous laissant reprendre nos vies presque normalement mais en ayant emmené nos êtres chers avec elle. 

La Sentinelle du Jura, 9 août 1854

J'espère sincèrement que quelqu'un trouvera un remède miracle à tous ces fléaux qui nous touchent. Mais de ce que tu m'as dit tout à l'heure ma petite, les maladies existent toujours à ton époque. Quelle tristesse ! Mais bon, l'homme n'est pas immortel, nous ne faisons que passer sur cette Terre, seul Dieu décide à quel moment nous devons la quitter. 

- Oui malheureusement, les épidémies traversent les époques et les pays. Des remèdes ont été trouvés pour beaucoup. A mon époque, certaines ont disparu, d'autres sont apparues mais on se rend compte que dans les pays les plus pauvres, certaines qui sont inexistantes chez nous, continuent de sévir là bas. 

 

- C'est bien malheureux, mais ça montre que nous ne pouvons pas aller au delà de la décision divine. 

 

- Je vous remercie pour ce moment partagé surtout que ces souvenirs n'étaient pas forcément des plus simples à raconter. 

 

- Oh ne t'en fait don' pas ! Parler aide parfois à chasser les démons. Merci pour ta visite, je suis content de voir que nos descendants ne nous oublient pas totalement, que nous restons dans les mémoires. Reviens me voir quand tu veux. 

 

Je reviens au XXIème siècle avec ce témoignage poignant à partager avec vous mes lecteurs. 

 

C'est en 1854 que Filippo Pacini, anatomiste italien, a réussi à isoler la bacille du choléra. Malheureusement, cette découverte ne sera reconnue qu'après sa mort : à cause de la théorie des miasmes à laquelle a adhéré la majorité des scientifiques italiens. C'est une théorie aujourd'hui abandonnée selon laquelle les maladies comme le choléra, la malaria ou la peste noire viendraient d'un air impur (aujourd'hui nous savons grâce aux chercheurs qu'elles viennent de microbes). 

Le choléra se transmet par de l'eau ou des aliments souillés par des selles contaminées.

Liste des collatéraux et ancêtres décédés pendant cette épidémie : 

  • Margueritte FIQUET - descendante des sosas 1706 et 1707 (Jacques SENANS et Pierrette PROST), tante d'Emilie Hortense FIQUET (épouse de Paul CEZANNE)

  • Etienne VIOLET - descendant des sosas 1664 et 1665 (Michel LAVRY et Pierrette ROCHE)

  • André LAVRY - frère de Pierre François le Jeune

  • Françoise CHAILLOT - épouse de Pierre François le Jeune

  • Anne Marie LAVRY - descendante des sosas 1664 et 1665 (Michel LAVRY et Pierrette ROCHE)

  • Pierrette LAVRY - nièce de Pierre François le Jeune, fille d'André

  • Pierrette MIDOL - épouse d'Etienne CHAILLOT, descendant des sosas 838 et 839 (Jacques LAVRY et Anne PESLOT), 1672 et 1673 (Bonnaventure CHAILLOT et Denise BY)

  • Marcelin CARICAN - descendant des sosas 418 et 419 (François CHAILLOT et Thérèse LAVRY)

  • Jean Claude LAVRY - descendant des sosas 1664 et 1665 (Michel LAVRY et Pierrette ROCHE)

  • Pierre Marie Félicien JEAN - descendant des sosas 418 et 419 (François CHAILLOT et Thérèse LAVRY)

  • Jeanne Françoise MULOT - épouse d'un descendant des sosas 832 et 833 (Joseph LAVRY et Françoise FAIVRE)

  • Jean Baptiste CHAILLOT - époux de Margueritte FIQUET (première décédée du choléra)

  • Anne Claude LAVRY - descendante des sosas 1664 et 1665 (Michel LAVRY et Pierrette ROCHE)

  • Etiennette DORNIER - descendante des sosas 428 et 429 (Claude VUIDEPOT et Françoise HUMBERT), 832 et 833 (Joseph LAVRY et Françoise FAIVRE)

  • Jacques MIDOL - descendant des sosas 3328 et 3329 (Pierre APRIL et Claude Anne SABLOT)

  • Françoise LAVRY - cousine germaine de Pierre François le Jeune LAVRY, petite-fille des sosas 832 et 833 (Joseph LAVRY et Françoise FAIVRE)

Sur 36 morts du choléra à Saligney en 1854, 17 étaient de ma famille, ancêtres directs ou collatéraux.

 

 

 

Merci à mon petit frère d'avoir reformulé ce texte. 

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R
Quelle tragédie, comme pour mes Siciliens :(
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A
Oui la tragédie de tes siciliens m'a vraiment fait penser a ce qu'on vécu mes jurassiens